Association nationale de sauvegarde
du patrimoine rural bati et paysager

Reconnue d’utilité publique
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Le patrimoine rural vu par Maisons paysannes de France

Pour l'association Maisons paysannes de France, depuis sa création en 1965, le patrimoine rural s'est clairement démarqué d'une conception qui réduisait celui-ci aux monuments insignes, publics ou privés, ou aux édifices et ensembles remarquables.
Elle s'est en effet d'abord consacrée à l'identification et à la permanence des savoir-faire caractéristiques du bâti de chaque région mettant en œuvre les matériaux locaux. A ce titre, elle a accompagné la restauration de bâtiments ruraux dont le maintien constitue pour le territoire qui le porte un élément-clé du paysage et un repère des techniques agricoles et constructives ancestrales.

Mais face à la transformation de plus en plus rapide de nos campagnes, dans les domaines tant agricole et économique que sociologique, MPF a progressivement élargi son champ d'intérêt au paysage puis au "territoire" lui-même, ce dernier terme étant pris à des échelles variables selon le dynamisme des politiques locales.

Ce faisant, notre association n'a fait que s'inscrire, et de jouer son rôle, dans un vaste mouvement qui s'est traduit tant dans l'évolution des outils juridiques que dans les modes d'intervention aux niveaux local, national et européen.

D'autant que le territoire rural français est aujourd'hui en rapide et radicale mutation

Chacun sait combien rapidement évoluent nos campagnes : ici désertification, là modernisation rapide des modes d'exploitation, notamment en zones de culture intensive et d'élevage, avec la diminution spectaculaire du nombre d'agriculteurs au profit de la création d'équipements totalement nouveaux par leurs dimensions et leur impact dans l'espace (bâtiments, serres, nouveaux modes de culture...).
Seules les zones viticoles résistent de manière variable, mais avec des évolutions considérables du statut des propriétés, des modes de culture et de vinification... Les périphéries des villes s'urbanisent, se "lotissent", sur des rayons de plus en plus vastes, en perdant souvent les caractéristiques paysagères spécifiques de leurs abords.

Economiquement, mais aussi et surtout socialement, nos zones rurales mutent profondément, se banalisent. Les bâtiments agricoles sont soit à l'abandon, soit transformés souvent de manière drastique pour les adapter aux nécessités des exploitations, ou pour les transformer avec plus ou moins de goût et de pertinence en résidences permanentes ou secondaires, ou pour les doter des équipements requis pour être agrées "gites ruraux".

Parallèlement, les exigences de la vie contemporaine bouleversent les paysages naturels ou bâtis (éoliennes, revégétalisation spontanée ou provoquée, disparition ou transformation du maillage des haies ou des murets, mutation du bâti, clôtures végétales médiocres, aménagements brutaux des bourgs, etc.). Les exigences contemporaines, justifiées certes, nécessitent de nouveaux modes de concevoir un habitat plus économe, faisant appel aux énergies renouvelables.

Face à cette mutation très mal maîtrisée, notre association, qui a été un acteur dynamique de la "patrimonialisation" du bâti rural, ne peut se comporter aujourd'hui en spectateur désolé mais impuissant. D'abord elle doit continuer à faire ce qu'elle a toujours fait depuis sa création en 1965 : faire prendre conscience de la qualité exceptionnelle du bâti traditionnel de leur pays aux populations et à leurs élus, identifier les techniques qui le caractérisent et participer au maintien d'un artisanat local capable de le sauvegarder.

Elle se doit, et elle l'a engagé largement, de participer à l'identification et à la propagation de moyens d'intervention sur ce bâti traditionnel, de matériaux et de techniques d'intervention à la fois efficaces en réponse aux exigences du Grenelle de l'Environnement et respectueuse de la spécificité du bâti de chaque région.

Mais elle doit aussi parallèlement, et impérativement, accompagner les élus dans la gestion de leur territoire : certes pour conserver ce qui en fait l'intérêt, mais aussi pour concevoir un urbanisme et une architecture qui, tout en continuant l'œuvre "héritée", s'inscrivent clairement dans la modernité de la vie contemporaine et réponde aux besoins sociétaux d'aujourd'hui.
Donc pas de réponse toute faite, mais une lecture attentive de ce que nous ont laissé nos prédécesseurs, pour imaginer, chaque fois de manière différente et adaptée, ce qui peut être le "projet de territoire" répondant à la fois à la spécificité historique des lieux et à leurs besoins économiques et sociétaux d'aujourd'hui.

Des projets de territoire à des échelles variées

Les seuls "projets de territoire" qui nous intéressent ici sont ceux qui fondent le développement durable de celui-ci sur la conservation et la mise en valeur de ses qualités patrimoniales.
Un tel projet peut aller de la restauration et de la réutilisation pour un usage à dimension culturelle et/ou économique d'un monument remarquable, jusqu'à des actions visant le sauvetage, la réutilisation et la mise en valeur du patrimoine rural "ordinaire", voire de la reconquête du paysage.

Il implique évidemment des actions en faveur de la réutilisation des matériaux locaux (dans l'esprit des circuits courts), une réflexion sur la manière de répondre aux besoins actuels en matière d'économie et de production d'énergie sans porter atteinte aux valeurs qualitatives des bâtiments et du paysage, enfin un soutien à l'artisanat local notamment par des actions de formation et par l'information des maîtres d'ouvrage.

  1. Dès 1970, les Parcs naturels régionaux (PNR) ont été basés sur ce principe d'une dynamique locale de développement basé sur la mise en valeur du patrimoine, à l'échelle d'un pays qui enjambe bien souvent les limites administratives des départements ou des régions. Ce qui compte, c'est la volonté des municipalités de s'engager à long terme dans ce processus respectueux des valeurs héritées de l'histoire des lieux.
  2. De nombreuses collectivités territoriales, régions ou départements, ont mis en place, parfois dès les années 1970, des procédures contractuelles par lesquelles elles ont aidé des communes ou groupement de communes à développer diverses actions en ce sens. Certaines financent encore de telles initiatives.
  1. L'Etat français et la Communauté européenne ont pris progressivement le relais. Ce furent par exemple dès les années 1975 les "opérations villages", conduites par les ministères de la Culture et de l'Agriculture, qui permirent de mettre en valeur, sur la base d'une opération par département, des ensembles ruraux de qualité (aides à la restauration d'édifices publics et privés, aménagement d'espaces publics, suppression des lignes aériennes avec l'aide financière d'EDF...). La Délégation à l'Aménagement du Territoire (DATAR) a pris par la suite le relais. Elle lança en particulier en 2002 la procédure des "Pôles d'excellence rurale" (PER) consistant à soutenir financièrement, sur d'importants crédits européens (le Fonds européen de développement rural - FEDER), des opérations de dynamisation de secteurs ruraux. C'est ainsi que 380 PER furent labellisés en 2006, dont 40 % portaient sur le thème patrimoine et tourisme.

    Maisons paysannes de France s'est impliqué dans cette procédure aux côtés de la Section française du Conseil international des Monuments et des Sites (ICOMOS) dont notre association est membre du conseil d'administration. Après avoir participé à l'expertise de sélection de 200 candidatures à la labellisation "PER patrimonial", nous avons été chargés de 2007 à 2009 d'assurer l'accompagnement de 19 de ces PER répartis sur l'ensemble du territoire.

    La procédure de création de PER est toujours active, bien que MPF n'y apporte plus actuellement sa collaboration. Pour en savoir davantage, prendre contact avec la DATAR.

  1. Mais, à côté de ces opérations encore exceptionnelles, la dynamique d'un projet de territoire passe d'abord par la maîtrise des documents de référence sur un territoire, qu'ils soient de véritables documents d'urbanisme tels des Plans locaux d'urbanisme (PLU) ou des Cartes communales, ou des plans de référence comme ceux des Parcs naturels régionaux, les plans de paysage des intercommunalités ou ceux des Pays d'art et d'histoire.

    La capacité dynamique de tels documents en ce qui concerne la protection et la mise en valeur des éléments patrimoniaux d'un territoire repose sur la qualité de l'analyse de ces éléments lors de la phase préparatoire. Les représentants locaux des Maisons paysanne de France sont là pour mettre leurs connaissances au service des responsables de l'élaboration de ces documents de référence et de gestion.