Isolation par l'extérieur = destruction de notre patrimoine !
Publié le 02/09/2016Depuis octobre 2014 (voir ici nos précédents communiqués), Maisons Paysannes de France et les associations nationales du patrimoine se mobilisent contre l’obligation de travaux extérieurs prévus en cas de restauration de bâtiment par la loi sur la Transition énergétique.
Votée le 17 août 2015, la loi rendait obligatoire l'Isolation Thermique par l'Extérieur (ITE) en cas de ravalement de façade des bâtiments, exceptés ceux présentant des spécificités énergétiques et architecturales. Les associations nationales de protection du patrimoine dont Maisons Paysannes de France, regroupées dans le G8 Patrimoine, avaient obtenu qu'un décret précise les catégories de bâtiments concernés et ceux exemptés (en fonction de la date de leur construction ou des matériaux mis en œuvre).
Or le décret du 30 mai 2016 avec application au 1er janvier 2017 généralise l'ITE à tous les bâtiments !
Ce décret, relatif aux "travaux embarqués" (c’est-à-dire rendus obligatoires à l’occasion d’autres travaux) confirme les craintes des associations. Ce texte complexe - malgré les protestations émises lors de la consultation du public - est à la fois irrespectueux de la loi qu’il entend appliquer, coûteux pour les propriétaires, inutile et désastreux pour la qualité architecturale.
ALERTER LES PROPRIETAIRES !
Il crée en effet une obligation générale d’isolation par l'extérieur pour tout propriétaire entreprenant des « travaux de ravalement importants » ou de réfection de toiture. Or, cette technique conduit à masquer et à détruire les façades d’origine et génère d’importants problèmes sanitaires. Afin de s’exonérer de cette obligation, hors quelques exceptions patrimoniales, un propriétaire devra faire dresser par un architecte - qui sera généralement celui de l’opération - une « note argumentée justifiant de la valeur patrimoniale ou architecturale de la façade et de la dégradation encourue » (nouvel article R 131-28-9 II du code de l’urbanisme). Le décret impose en définitive la rémunération d’un professionnel pour ne pas isoler son bien n’importe comment...
SAUVER NOTRE PATRIMOINE ET NOTRE CADRE DE VIE !
Les associations avaient pourtant obtenu satisfaction s’agissant de l’isolation par l’extérieur dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, texte que le décret ignore. Ainsi, la loi prévoit que les travaux de rénovation énergétique tiennent « compte des spécificités énergétiques et architecturales du bâti existant », l’obligation ne s’appliquant qu’à certaines « catégories de bâtiments » à déterminer par la voie réglementaire, tandis que le terme « isolation par l’extérieur » était volontairement supprimé de la liste des travaux obligatoires afin de privilégier d’autres techniques moins intrusives.
Dans le cadre du décret d’application de la loi, les associations demandaient par conséquent que certaines catégories de bâtiments - à définir par leurs matériaux constitutifs ou leur date d’édification - soient exclues de l’obligation d’isolation (un propriétaire pouvant cependant y recourir volontairement). Il s’agissait de concentrer les effets de la loi sur les constructions des Trente Glorieuses, les plus énergivores et dotées des façades les moins ornées. Ainsi, selon une circulaire du ministère de l’écologie de juillet 2013, les bâtiments construits avant 1948 « bénéficient de performances énergétiques relativement bonnes, proches des constructions du début des années 1990 » et ne représentent que le tiers du parc des logements.
Les associations demandaient également que toute isolation par l’extérieur (volontaire ou obligatoire) soit soumise à un diagnostic indépendant, confié notamment aux Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), afin d’en éclairer la pertinence et les modalités. Elles proposaient finalement de limiter l’obligation d’isolation du bâti ancien aux travaux d’aménagement des combles, première source de déperdition d’énergie dans ces constructions.
Ces propositions ont été rejetées par l'ajournement sine die du processus de consultation établi au ministère de l’Environnement et par la reprise du projet de décret initial.
FAIRE DES ECONOMIES D’ENERGIE LOGIQUES ET ADAPTEES !
En livrant ainsi nos maisons à l’industrie du prêt-à-isoler, ce texte tient pour négligeable leur valeur culturelle et esthétique. La France, première destination touristique mondiale par la beauté et la diversité de ses paysages naturels et bâtis, est ainsi atteinte dans sa richesse. L’idée de relancer l’économie par des travaux obligatoires, instrumentalisation de la lutte contre le réchauffement climatique, est à très courte vue et surtout au profit des entreprises du BTP ! Les ravages des changements systématiques de menuiseries anciennes ne doivent pas être étendus aux façades elles-mêmes. Un décret qui fait aussi fi des très nombreux et intéressants travaux, menés aussi par les propres services de l’État, qui montrent la diversité de notre bâti de ses qualités thermiques et des solutions correctrices le cas échéant.
Devant ces menaces inédites pour notre cadre de vie, et dans l’attente d’évolutions,
les associations nationales de protection du patrimoine reconnues d’utilité publique
ont déposé un recours gracieux fin juillet contre ce décret
afin de préciser les catégories de bâtiments concernés par cette loi.
A défaut, les associations sont déterminées à saisir le Conseil d’Etat de sa légalité, convaincues qu’aucune relance durable ne peut résulter de l’enlaidissement de notre pays.
Maisons Paysannes de France,
une association au service du patrimoine
Depuis 50 ans, l’association Maisons Paysannes de France - reconnue d’utilité publique - se bat pour préserver le patrimoine bâti ancien non-protégé et les paysages qui constituent le cadre de vie des français.
S’adressant à la fois aux particuliers, aux élus, aux architectes, aux artisans, elle partage ses connaissances sur les caractéristiques de l’architecture rurale et ses techniques de construction et de restauration. Formations au bâti ancien, ateliers d’initiations aux savoir-faire, études sur les qualités thermiques du bâti ancien sont autant de moyens de faire connaître et préserver un patrimoine d’une exceptionnelle richesse !
Respecter l’architecture rurale, c’est en connaître l’histoire, en comprendre le fonctionnement pour mieux en imaginer l’avenir… La rénovation d’un bâti ancien - maisons et dépendances, petits édifices tels que les fours à pain, pigeonniers, cazelles ou bories (cabanes de pierres sèches), abreuvoirs, lavoirs, etc. - s’effectue en apprivoisant les spécificités de chaque région ainsi que leurs techniques et matériaux de construction. L’objectif étant d’éviter l’utilisation d’éléments ou matières inappropriés qui créent à moyen/long termes des désordres tant esthétiques qu’énergétiques.
Les maisons anciennes possèdent des qualités bioclimatiques naturelles qu’il faut - simplement – améliorer. Que leurs murs soient de pierre, de terre ou de pan de bois, que leur toit soit couvert d’ardoises, de tuiles ou de lauzes, nos maisons vivent en harmonie avec leur environnement. Construites avec les matériaux locaux, elles s’intègrent naturellement dans le paysage : elles sont écologiques par nature !
Faites par l’homme et pour l’homme, leurs qualités thermiques sont incontestables : toutes les études que Maisons Paysannes de France a menées en collaboration avec le CEREMA de la Région Est montrent qu’elles ont une consommation énergétique moyenne située entre C et D (étude Batan 2007). Ces qualités s’expliquent par la perméance de leurs murs qui permet une excellente régulation hygrothermique. Conscients de la nécessité d’améliorer la performance thermique du bâti ancien, l’association a proposé avec l’étude ATHEBA (Amélioration Thermique du Bâti Ancien) des solutions permettant d’améliorer l’isolation thermique. En suivant ces recommandations les maisons anciennes peuvent, après travaux, se classer en B voir en A.
Préserver les spécificités des architectures régionales équivaut à garantir la valeur patrimoniale d’un bien mais également sa valeur touristique dans un environnement local de qualité. Maisons Paysannes de France rejette l’isolation thermique par l’extérieur qui dénature l’architecture et empêche les murs de respirer.
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L'article du Canard Enchaîné "Un décret Royal met en péril le patrimoine"